La démocratie est-elle faite pour l’Afrique?

Le serment du jeu de Paume de David, symbole du pouvoir démocratique. Crédit : la-philosophie.com

D’Europe en Afrique, le mot démocratie change de sens, la stabilité  semble bien difficile à atteindre pour les Africains…

La formule magique de l’alternance, de combat politique dans une arène des idées  ne marche pas sur le vieux contient, sans oublier Madagascar, bien sûr !

Le Mali ? Secoué chaque décennie par des mouvements rebelles indépendantistes arabo-touaregs.

Le Niger ? D’incessants coups d’Etat qui se veulent républicains.

Le Burkina Faso ? Dirigé de main de maître – pour ne pas dire de fer- par un Blaise Compaoré  qui depuis son coup d ‘Etat contre « le révolutionnaire Sankara », a transformé la présidence en un trône qu’il ne quitterait pas d’aussitôt, foi de sénateur!

La Côte d’Ivoire ? Longtemps stable, un coup d’Etat –encore un autre- fait tout basculer et une guerre a failli la partitionner, n’eut été l’intervention de la France-encore une autre !-

Soudan ? Son président, Oumar El-Bechir est inculpé par la Cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité, mais reste soutenu par ses confrères présidents.

Le Togo ? Le fils d’Eyadema, fort Faure, s’est tranquillement installé au pouvoir après le décès de son président de père.

C’est à en croire que les partis d’oppositions africains ne peuvent pas gagner d’élections à la régulière. Et pourtant si, pourront dire certains : Wade l’a fait au Sénégal. Mais malheureusement, ce même Wade s’est sérieusement accroché au pouvoir. Aussi. Comme les autres. Heureusement que le peuple a compris qu’il avait le pouvoir de le faire partir par les urnes.

La liste pourrait bien continuer : Gambie, Cameroun, Kenya, la République démocratique du Congo, l’autre Congo, la République centrafricaine.

Il y a l’Afrique du Nord, qui connut un printemps qui emporta plusieurs ténors Kadhafi, Ben Ali… et laissa ces pays dans une instabilité inquiétante.

 

Rentrée scolaire en deux teintes au Mali

credit  photo: Wikipedia.com

Crédit photo : Wikipedia.com

La rentrée scolaire aussi est devenue une affaire d’aire géographique au Mali

La date du 1er octobre a été retenue pour l’ouverture des classes dans les écoles au sud du nouveau département français. Les classes de bien des écoles de la capitale étaient occupées par les sinistrés des pluies diluviennes que Bamako a connues le mois dernier.

Les reportages de la télé nationale pour une fois n’ont pas cherché un voile immaculé pour en couvrir la réalité et annonçaient même que certaines écoles n’ont pu avoir que la moitié des classes et que les enfants devraient cohabiter avec ces familles (espérons qu’elles ne les perturberont point). Au moins le maître n’aura pas à chercher loin lorsqu’il fera une leçon sur l’inondation. Les témoins seront à domicile (sans cynisme hein !).

Le 1er octobre correspondait plutôt au passage des examens de fin d’année au Nord. Depuis le début de cette crise malienne, nous avions entendu le slogan du « Mali un et indivisible », pourtant le ministère de l’Education ne doit pas en être un grand adepte.

Pendant que certains établissements se retrouvent complètement relocalisés à Bamako (le cas de l’Institut de formation de maîtres dans lequel j’enseigne), d’autres se retrouvent éclatés entre des établissements du pays. C’est notamment le cas des lycéens, collégiens, élèves des centres de formation professionnelle et des écoles normales.

credit photo: Issa Hamidou Cissé cap de Tombouctou

Crédit photo : Issa Hamidou Cissé cap de Tombouctou

Une réouverture de ces écoles est prévue sur  leurs lieux d’origine (au Nord), mais il faudrait réhabiliter les lieux qui ont fait l’objet de saccages par les troupes du MNLA (Mouvement national de libération de l’Azawad) qui ont pris véhicules, climatiseurs, ordinateurs. Tous les dossiers se sont retrouvés dans les rues. S’ils clament la libération des peuples de l’Azawad, on peut affirmer – et constater – qu’ils ont libéré les parents des problèmes financiers liés à l’école en la détruisant complètement… Les enfants seront libres de parcourir le désert sans instruction. Je crois que dans leur projet de société, tous les enfants du mirifique Azawad seront des bergers qui tapent dans la guitare et tirent plus vite que leur ombre, des Lucky Luke en somme et il y aura des citoyens de seconde zone qu’ils fouetteront pour amuser « le prince » du Qatar !

Après avoir évincé le MNLA, les troupes d’Ansar Dine et MUJAO (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest) habitaient les écoles qui servaient de camps d’entraînement, magasins de stockage d’armes, de lieux de cantonnement de troupes, sans oublier que ces faux justiciers d’Allah usaient des tables-bancs comme bois de chauffe.

Le ministère de l’Education annonce un chiffre monstre de près de 800 000 enfants à la scolarité perturbée par le conflit. Bien des formations ont eu lieu pour la prise en charge psychologique des enfants victimes de guerre, mais ces enfants ne font l’objet d’aucun ménagement.

Déjà le slogan de mon ministère était de sauver l’année scolaire dans ces régions en l’année scolaire 2011-2012. Des cours de rattrapage ont été organisés au Nord et au Sud pour les déplacés. Pour avoir été au centre de cantonnement– je n’arrive pas à utiliser le mot d’internat, car ce n’en était pas un – les conditions étaient plus que difficiles.  Des salles de classe ont été transformées en dortoirs, un cahier pour prendre note, une alimentation bien insuffisante, un matelas posé par terre, une moustiquaire et hop au boulot les enfants, le grand Mali a un défi à relever.

Ma nièce que j’y ai conduite n’a pas tenu deux jours et elle a cherché à rejoindre la maison à pied. Je n’ai pas pu la gronder, connaissant les conditions d’hébergement.  J’avais bien envie de la laisser à la maison, car je savais qu’elle ne pourrait jamais réussir un examen dans de telles conditions. Sa maman insistait. Je l’y ai ramenée et lui ai donné un peu d’argent pour la nourriture. Elle n’a pas achevé le mois après. Beaucoup n’ont pas tenu. On ne peut leur en vouloir. C’était une autre promotion – le terme ici au Mali veut dire une occasion à ne pas rater-. Pauvres enfants sacrifiés.

Credit photo: Faty

Crédit photo : Faty

Sacrifié, l’IFM Hégire aussi l’a été. Ses aventures – je ne veux dire mésaventures – à Bamako feraient un bon feuilleton avec tous les ingrédients possibles : menace de chef des bandits d’Ansar Dine contre le directeur général de l’Institut franco-arabe pourtant fortement lié à l’islam, fuite en rang dispersé des professeurs, départs des élèves-maîtres dans un camion, rassemblement et réouverture à Bamako , démission du directeur des études par intérim pour raison de pression psychologique du corps professoral… C’est à n’en pas finir…

L’année et demie que nous venions de passer à Bamako était un enfer, je ne vous le cache pas. Tous les jours, le risque de se faire écraser par un véhicule, si un conducteur fou de Jakarta ne te percute pas, est présent. Nous nous sommes vite rendu compte que Bamako était bien plus dangereux que Tombouctou et ses djihadistes quand les sbires de L’AEEM (associations des élèves et étudiants du Mali) sont venus faire sortir les élèves maîtres en tirant en l’air… Cela n’était jamais arrivé en 15 ans d’existence de notre établissement. Il y a également le coût de la vie dans la capitale qui est monstrueux comparé à celui à Tombouctou.

On pourrait penser que c’est mon amour débordant pour Tombouctou qui explique mes mots, mais il suffirait d’interroger les élèves, qui dans leur majorité ne sont pas originaires de la cité des 333 saints.

Bien sûr, les évènements vécus à Tombouctou ont été traumatisants et la peur est encore présente.  Mais bon, je crois qu’on – le ministère de l’Education, l’Unicef, l’Unesco, les ONG, le Haut conseil islamique – ont oublié que l’Hégire était entièrement réfugié à Bamako. Pas un soutien. Ni un regard. Justes des agents de l’Organisation internationale des migrations (OIM).

Mais ils vous diront qu’au moins à Tombouctou, la maigre bourse – 26 250 F Cfa – pouvait leur permettre de joindre les deux bouts, car au moins il n’y avait pas de frais de transport à payer. Ceux qui ne sont pas à l’internat viennent à l’école à pied. Là-bas au moins, ils avaient des tables-bancs, un vrai tableau qui est vraiment noir, une bibliothèque, une salle informatique, un laboratoire (même si vétuste), un terrain de handball, un grand espace pour jouer au football, faire du karaté, une mosquée, un réfectoire où ils regardent la télé, je n’ajouterais pas 333 saints pour les bénir, un internat…

L’internat. Des bâtiments aussi bien entretenus que les classes – vous  me suivez, j’espère -, je les ai trouvés inhabitables pour des êtres humains, le bétail de certains pays est bien mieux loti. Mais en six ans de  service à Tombouctou, je n’ai pu assister à une seule réhabilitation des bâtiments. Les douches feraient bien vomir si j’essayais de vous les décrire. Explications des gens d’en haut ? L’établissement a dépassé ses capacités d’accueil. On ne devrait accueillir que les 1ère années à l’internat et laisser les autres partir en ville comme cela se fait dans les autres IFM (Institut de formation des maîtres) du Mali. Mais bon, à l’hégire, on fait du social aussi, les élèves… les pauvres enfants ne connaissent personne à Tombouctou, on pourrait signaler la même chose pour Bamako (ce n’est chez personne a-t-on l’habitude de dire dans la capitale, nous sommes tous venus) : point d’internat.

L’internat est devenu le prétexte du moment pour ne pas retourner à Tombouctou pour l’administration de l’Hégire. J’ai été consternée d’apprendre que les cours ne pouvaient reprendre à Tombouctou, selon le DG, parce qu’il y avait un grand trou béant dans un bâtiment de l’internat. Nous n’avions pas d’internat présentement  au bloc scientifique de Missira à Bamako. Les élèves qui n’ont pu avoir de logeur à Bamako ont été obligés d’habiter dans les classes. Ma plaisanterie fréquente sur le sujet est de demander à un élève s’il habite dans la classe quand il me demande d’entrer… puis d’ajouter ne te déshabille pas devant nous, hein !

Il semble que certains préfèrent cette galère de Bamako à la menace des attentats-suicide au Nord…  Pas moi, car ma décision est prise et de droit. J’ai profité des vacances pour expédier tout ce qui me lie à la capitale. Il ne reste que ma moto .

L’année où l’Hégire décidera de revenir à Tombouctou, il me trouvera sur place. Je suis ne pas être le seul enseignant de cet institut à être dans ce cas. Ce n’est du régionalisme, juste du militantisme et de la détermination. La photo de Sankara sur mon profil, c’est fort significatif.

Bien le bonsoir, les amis de par le monde…