Projet de protection des enfants en mobilité à Tombouctou : quel impact sur ces enfants et leurs familles ?

Lancé dans la ville de Tombouctou depuis septembre 2015, le Projet d’appui d’urgence et de renforcement de la résilience des enfants en mobilité est à sa 3ième phase de mise en œuvre grâce au soutien généreux du peuple américain à travers OFDA, le bureau de l’USAID pour les secours d’urgence en cas de catastrophe à l’étranger.

Exécuté par Terre des hommes Lausanne (Tdh Mali) en partenariat avec Enda Mali, l’objectif de ce projet est d’apporter un appui personnalisé et collectif à 2.568 enfants victimes de la crise dans la ville de Tombouctou.

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Jeune fille bénéficiaire de la réinsertion socioprofessionnelle de Tdh Mali /enda Mali à Tombouctou

Pourquoi ce projet d’urgence à Tombouctou ?

A Tombouctou, la crise multidimensionnelle de 2012 a amplifié les mouvements de populations constitués de milliers d’enfants accompagnés et non accompagnés. Ces enfants et adolescents qui arrivent dans ces villes sont très souvent confrontés à des problèmes qui touchent leurs droits les plus fondamentaux. Finalement, ils se retrouvent dans des situations d’extrêmes vulnérabilités : déscolarisation ; exploitation par le travail ; mendicité ; violences (physiques, sexuelles, psychologiques) ; maltraitance ; utilisation des stupéfiants ; etc.

Selon les données du Rapport sur les mouvements de populations (CMP) d’Août 2018, les régions de Tombouctou et Gao comptent à elles seules 43% des personnes déplacées internes (PDI) dont 28% (19.696) à Tombouctou et 15% (9.754) à Gao. La plus grande majorité de ces PDI se trouvent dans les communes de Tombouctou, Gourma Rharous, Gao et Bourem. En outre, 53% des PDIs sont des enfants dont 30% de filles et 23% de garçons.

Quelles réponses sont apportées à ces enfants et aux communautés ?

Dans le but d’améliorer un environnement protecteur à ces enfants concernés par la mobilité, le projet intervient sur 3 axes.

  1. Amélioration de la réponse communautaire :

Le projet travaille avec huit (8) associations de femmes, d’enfants et de jeunes ainsi que les chefs de quartier, le réseau des communicateurs traditionnels pour le développement (RECOTRADE), les gouvernements d’enfants en milieu scolaire et les clubs au niveau communautaire.

Cette collaboration permet d’identifier les enfants victimes de violences, d’abus, d’exploitation et de négligence ; de les référer vers des structures de protection ; de faciliter leur prise en charge, leur accompagnement et leur suivi au sein des communautés.

Cette approche communautaire a permis de toucher et protéger 16.671 enfants vulnérables y compris les enfants concernés par la mobilité dans la ville de Tombouctou.

  1. Amélioration de la réponse institutionnelle :

Un comité local de pilotage des interventions du projet est très actif et fonctionnel. Il est présidé par la Mairie de la commune urbaine de Tombouctou. Ce comité regroupe les structures techniques de l’Etat concernées par la protection et la promotion de l’enfant dans la ville et la région (protection, santé, éducation, emploi et formation professionnelle, travail, sécurité et protection civile, etc.).

Ce comité regroupe aussi des acteurs communautaires afin de permettre une coordination efficace des réponses de protection. 571 acteurs ont bénéficié diverses sessions de renforcement de capacités sur la protection et l’approche mobilité ; l’Accompagnement Protecteur des Enfants (APE) ; l’Accompagnement Social Personnalisé (ASP) ; etc.

enfant en mobilité bénéficiaire du projet

Jeune fille en mobilité ayant bénéficié de la formation profesionnelle

Depuis mars dernier, les autorités communales de Tombouctou ont révisé le Plan de Développement Social, Economique et Culturel (PDSEC 2016-2020) et intégré les besoins et réponses des enfants vulnérables. L’objectif du PDSEC est d’apporter une réponse globale et cohérente à 3.250 enfants vulnérables y compris les enfants concernés par la mobilité dans la commune urbaine de Tombouctou prenant en compte l’ensemble de leurs besoins.

  1. Articulation entre la protection formelle et la protection non formelle :

A Tombouctou, l’insuffisance de cadre d’échanges entre acteurs communautaires et institutionnels constitue un frein à une protection efficace des enfants surtout des enfants victimes de violences, d’abus, d’exploitation et de négligence. Avec le projet d’appui d’urgence et de renforcement de la résilience des enfants en mobilité dans la ville de Tombouctou, il a été tenu 5 cadres d’échanges ayant mis en relation 159 acteurs.

Ces cadres sont des occasions pour favoriser la revalorisation et l’application des pratiques endogènes de protection autrefois utilisées par les communautés car elles sont de nos jours négligées et ou abandonnées.

Des actions directes ayant été apportées aux enfants concernés par la mobilité à Tombouctou

  • Des activités d’accueil, d’écoute et d’orientation en langues locales ;
  • Des activités psychosociales et de sensibilisation;
  • Des cours d’alphabétisation et en compétences de vie courante (santé, hygiène, protection, droits et devoirs de l’enfant) ;
  • L’apprentissage en 13 filières de métier librement choisies par les enfants et jeunes (coupe couture, teinture, coiffure, boulangerie, embouche, électricité solaire, maintenance informatique, mécanique moto, menuiserie métallique, restauration, etc.) ;
  • Les équipements d’installation dans chacune des filières de métier choisies ;
  • Le suivi continue des actions à travers des animateurs et le comité local de pilotage du projet présidé par la mairie et composé d’acteurs communautaires et institutionnels.

 

Du 07 au 08 juillet dernier, Tdh Mali et Enda ont organisé à Tombouctou, la Campagne « Talents d’enfants ». Cette campagne de protection et de promotion des droits de l’enfant a permis à 800 participants de voir et apprécier le savoir-faire des enfants vulnérables ayant été accompagnés par le projet. Ces deux jours de campagne ont proposé 20 stands pour l’exposition du travail des enfants concernés par la mobilité (ayant été formés, dotés, installés à leur propre compte); des prestations de sketch et jeux éducatifs ; des débats communautaires pour l’amélioration d’un environnement protecteur des enfants dans cette ville affectée par la crise.

Protection des Enfants Associés aux Forces et Groupes armés : problématique et état des lieux à Tombouctou

enfant soldatLe Mali a connu une crise sécuritaire en 2012 durant laquelle les 3 régions du nord étaient occupées par des groupes armés qui ont ouvertement utilisé des enfants comme combattants ; ont pratiqué le mariage forcé avec les enfants notamment les jeunes filles, les utilisant ainsi comme des esclaves sexuels. Ces enfants ont subi toutes les souffrances et violations de leurs droits les plus fondamentaux.

Le terme générique « enfant soldat » a évolué et donné lieu et place à « Enfants Associés aux Forces ou Groupes Armés (EAFGA) » selon le Droit Humanitaire International. « L’enfant soldat » est une personne âgée de moins de 18 ans enrôlée par une entité armée ou un groupe armé régulier ou irrégulier, quelle que soit la fonction exercée par l’enfant. Les « enfants soldats » peuvent être utilisés pour des travaux subalternes tels que la cuisine, porteur, messager.

C’est le fait que ces enfants ne sont pas dans une relation de famille et sont acteurs d’une situation de guerre qui fait d’eux des victimes d’abus, violant ainsi la Convention Internationale relative aux Droits de l’enfant (CDE). Selon les principes et meilleures pratiques du Cap (Afrique du Sud) de 1997[3], parlant des enfants soldat, « elle ne concerne donc pas uniquement les enfants qui sont armés ou qui ont porté des armes ».

Y-a-t-il des EAFGA à Tombouctou ?

Au cours des opérations du Mécanisme Opérationnel de Coordination (MOC) à Gao, la Mission Multidimensionnelle Intégrée des Nations-Unies pour la Stabilisation au Mali (MINUSMA) avait identifié quinze (15) enfants mineurs âgés de 14 à 17 ans parmi les combattants des groupes armés avant d’ordonner leur retrait des troupes. Heureusement à Tombouctou, il n’en a pas été cas dans le cadre du MOC de cette vielle ville.

Cependant, la présence d’enfants associés aux forces et groupes armés restent encore une réalité malheureuse dans la région de Tombouctou où les groupes armés prolifèrent, avec une grande présence des groupes terroristes qui font régner la terreur parmi les populations des zones rurales reculées où on ne voit pas de présence militaire.

Quelles sont les causes essentielles de l’utilisation des enfants dans le conflit malien ?

A cause de leur appartenance à une couche défavorisée, faible et influençable de la société, des enfants sont utilisés pour participer à des actions violentes et à des exactions militaires par les groupes terroristes ou les mouvements armés dans les conflits.

Ils sont facilement des butins de guerre (enlevés au cours des attaques contre les communautés) ou sont offerts par les chefs de famille en guise de contribution à l’effort de guerre ou pour prouver l’appartenance de la famille aux mouvements armés.  Ils peuvent également être simplement donnés ou vendus par les maitres coraniques auxquels ils sont confiés par leurs familles pour l’apprentissage coranique.

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un educateur expose le travail des enfants du projet de Tdh, OFDA/USAID, Enda

La pauvreté des familles, la méconnaissance des textes et droits de l’enfant et une fuite des responsabilités des parents expliquent aussi le phénomène des enfants associés aux forces et groupes armés à Tombouctou, ville complètement enclavée et victime des précarités avec une économie qui tourne autour de l’agriculture familiale, l’élevage et la pêche.

Quel dispositif de lutte contre le phénomène ?

Plusieurs mesures peuvent aider à lutter contre ce phénomène.

  1. La Prévention : il s’agit de la sensibilisation pour faire connaitre les textes juridiques internationaux protégeant les enfants (Convention Internationale contre les Pires formes de Travail des enfants ; Convention internationale relative aux Droits de l’Enfant ; la Charte Africaine des Droits et du Bien-Etre de l’Enfant, etc.) qui garantissent le respect de tous les droits de l’enfant partout dans le monde et sa dignité en tant qu’être humain.
  2. Le Retrait : celui-ci consiste à tout entreprendre pour que l’enfant victime soit retiré des forces et groupes armés. Ce retrait est possible au terme d’un long processus de négociation et de sensibilisation des groupes ou mouvements armés. Il est important de savoir que la négociation est surtout privilégiée par les organisations de protection de l’enfance avec les groupes armés réguliers.
  3. La Démobilisation ou (le retour à la vie civile) : Elle est considérée comme le moment où les enfants souffrent le plus des conséquences psychologiques de la guerre. Leurs traumatismes sont sévères et, malheureusement, durables. C’est pourquoi il est essentiel de leur fournir un soutien psychologique.
  4. La Réinsertion des enfants : elle est une étape importante dans le processus de lutte contre le phénomène des enfants associés aux forces et groupes armés.

A Tombouctou et Gao, l’ONG Terre des hommes Lausanne (Tdh Mali) et Enda Mali exécutent avec d’autres partenaires locaux, un projet d’appui d’urgence et de renforcement de la résilience des enfants en mobilité grâce au soutien généreux du peuple américain à travers OFDA/USAID (le Bureau de l’USAID pour les Secours d’Urgence en cas de Catastrophe à l’Etranger).

L’objectif de ce projet est de réduire les risques de vulnérabilités des enfants notamment des enfants déplacés internes, des enfants migrants travailleurs et des enfants à risque de mobilité.

Ce projet offre aux enfants, aux familles et aux communautés, un cadre de protection individuelle et collective. Il assure des actions de prévention et de réponses aux cas de protection en situation d’urgence. Le projet renforce la formation des acteurs locaux ; l’accompagnement socio-professionnel des enfants vulnérables. Il propose et ou améliore les réponses communautaire et institutionnelle de protection. Il favorise l’articulation entre la protection formelle et non formelle à travers l’appui à la mise en place et au fonctionnement de cadres de concertation des acteurs communautaires et institutionnels de protection à Tombouctou et Gao.

Grâce au projet à Tombouctou, 3 espaces communautaires de prévention et de protection appelés « Point Espoir » existent et fonctionnent en faveur des enfants vulnérables précisément dans les quartiers de Sareikeyna, Hammabangou et Abaradjou. Ces espaces constituent des lieux de rassemblement, d’information/expression et d’empowerment qui  redonnent  de l’espoir à des enfants partageant des conditions de vie similaires et difficiles notamment les enfants concernés par les mobilités (économiques, sécuritaires, apprentissage et des enfants à risque).

 

Le « Point Espoir » reste surtout un lieu de détection des enfants qui ont besoin de prise en charge spécifique et ou d’accompagnement spécialisé. Depuis septembre 2015 (démarrage du projet), 1.800 enfants vulnérables ont bénéficié d’activités psychosociales dans les trois Points Espoir à Tombouctou.

 

Quant à la réinsertion socio-économique, à Tombouctou, 220 enfants concernés par la mobilité ont été formés, dotés et installés à leur propre compte. Ils exercent aujourd’hui les métiers de leur choix ; subviennent à leurs besoins de façon autonome ; soutiennent leurs familles qui sont défavorisées et aident leurs pairs à apprendre et sortir des vulnérabilités actuelles.

 

Être une femme mariée au Mali: un supplice !

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le Mali est un pays bien bizarre. Incompréhensible.

Quand tu es étranger et que tu y arrives, tu te dis que les maliens sont des personnes bien gentilles, ouvertes, accueillantes. Surtout les maliennes. Ces mères de foyers qui accueillent tous les enfants comme les siennes.

Elles sont impressionnantes.

Extraordinaires.

Leurs filles te diront travailler pour mettre fin à leurs malheurs. Leurs fils aussi. Parfois. Quand ils ne travaillent pas à rendre leurs épouses aussi malheureuses que leurs pères se sont employés à rendre leurs mères malheureuses.

Je ne dis pas que le bonheur du foyer n’existe pas pour la femme malienne mariée.  Mais j’évoque seulement cette tradition qui veut qu’une personne qui a déjà vécu les violences dans son foyer s’occupe de l’éducation de sa fille et qu’elle ne fasse que la conditionner pour être le punching-ball de son futur époux.

Dans la majorité de nos sociétés, la femme est un être inférieur, qui est éduquée en prévision de son rôle de reproductrice et de bonne à tout faire.

D’ailleurs, chez certains, pire, ce n’est que de la main d’œuvre pour les cultures. Elle et ses enfants.

Le malien se dit moderne maintenant. Il va à l’école. Sait lire et écrire. Dispose d’une télévision [ et même d’un climatiseur] dan son salon, mais pourtant,  fait vivre sa famille dans des conditions plutôt abordables, mais , malheureusement, n’hésite pas à frapper la personne qu’il nomme compagne.

D’aucuns diront qu’il y a des circonstances atténuantes, le comportement de la femme qui n’est pas nette, trouveront la jalousie aussi comme alibi. Mais ne reprocheront jamais quelque chose à l’animal, qui oublie toute retenue, allant parfois jusqu’à tuer sa femme. Nous avons vu des cas tragiques provoquer l’émoi.

Mariam. Kamissa. Fanta dernièrement, assassinée jusqu’à Koulouba [ palais présidentiel], lieu de son travail. Tuée. Assassinées par leurs conjoints.

Certains, politiciens, parlent de la nécessité de s’émanciper pour la femme africaine, sans pour autant chercher à connaitre la vie de ces femmes. [Cc Macron]

On leur reproche les 6/7enfants par femmes. On ne cherche pas à connaitre les conditions dans lesquelles ces enfants sont faits.

Quand la femme se retrouve mariée à un bloc de muscles appelé  » HOMME » être suprême qui pense être le seul à avoir droit à des égards , au bonheur, au plaisir sexuel, elle se retrouve dans une prison, qui n’est même pas dorée.

Quand tu te maries, ces mêmes femmes qui étaient maltraitées, frappées par leur maris, te conseillent la patiente, t’enrobant dans cette chaine du silence dès que le prince charmant se transforme en tyran, violant.

Tu deviens la propriété de cette personne, qui peut te couper du , t’empêcher même d’exercer un métier si cela lui chante! Ton corps et même ton esprit lui appartiennent.

Tu veux planifier les naissances de tes enfants ?  Il faut qu’il soit d’accord !

Adhérer à une association ? Faut avoir son aval!

Un téléphone ? Son accord est requis même si tacite, car il se donne le droit de te le prendre, regarder ce que tu en fais, te demande des comptes quand des personnes qu’il ne connait pas t’appellent. D’ailleurs, tu ne seras pas étonnée qu’il exige que tu quittes les réseaux sociaux parce qu’il pense que des pervers ( qui te dragueront très certainement) s’y trouvent ou qu’il te fasse une scène parce qu’il t’a appelé et trouvé en conversation avec une autre personne  » pourquoi je t’appelle et je ne te trouve pas ! Tu parlais avec qui?  » te dira-t-il d’une voix courroucée !

Quand il n’estpas éduqué, c’est pire. Toutes les occasions sont bonnes pour te donner des coups. Comme à sa vieille moto qui refuse de démarrer.

D’ailleurs, le mari analphabète est encore pire! Il te fera  vivre dans des conditions difficiles, pour le mieux avoir le contrôle sur toi. Une femme sans pouvoir économique est une femme à la merci de son mari.

Beaucoup trouvent la malienne courageuse. Au four et au moulin. Qui n’est pas impressionné par ces bouts de femmes qui parcourent les foires des villages, toujours un enfant au dos, vendant ou achetant des marchandises… Se battant pour sa progéniture. Alors que monsieur s’enrichit en silence. femme-enfant

 

 

 

Tombouctou: les autorités interimaires seront-elles installées demain?

Les autorités interimaires sont un point de l’accord pour la paix et la réconciliation qui a été signé entre les autorités maliennes, les groupes armés et la communauté internationale, sans grande considération pour l’avis des populations de toutes les populations ( de l’ensemble du Mali) ou d’autres groupes armés de la région, le Congrès pour la justice de l’Azawad ( CJA)et d’autres groupes d’autodéfense. En l’absence du Maire , Aboucrine Cissé et du président sortant du conseil régional Mohamed Ibrahim.

Allez comprendre pourquoi ce jeudi s’impose!

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Marche de la société civile à Tombouctou

Ces autorités devraient être choisis selon un consensus impliquant tous les acteurs des différentes régions. Mais le constat est amer.

Ces installations d’autorités intérimaires imposées ressemblent plutôt à une passation du pouvoir aux groupes armés qui avaient mis ces régions à sac en avril 2012. Ils ont réussi un tour de maître en effaçant comme par magie toutes les exactions qu’ils ont fait subir aux populations de Gao  et de Tombouctou pour vouloir en devenir les dirigeants.

Il faut dire que les autorités maliennes, sa communauté internationale et ses groupes armés peuvent facilement oublier des crimes qui ont été commis au nord, ils peuvent minimiser le désir de justice, mais ils ne pourront jamais faire oublier aux victimes les visages de leurs bourreaux.

Quand on met des autorités, c’est très certainement par soucis de développement pour une communauté qui se sens représentée.

Et bien ce n’est un secret pour personne que la liste des personnes que les autorités maliennes , en conservation – chose bizarre- avec la CMA  ne représente en rien les habitants de la cité des 333 saints, d’où leurs rejets, maintes fois exprimés à travers des marches, des articles, des réactions de citoyens actifs ( comme moi  et moi ) sur les réseaux sociaux . Ces autorités ne sont pas intérimaires, elles sont imposées !

Rien ne nous prouvent que des individus mal intentionnés qui ont pris des armes contre l’état malien , qui n’ont pas hésité à livrer les populations qui ne sont pas de leur ethnie à un groupe djihadiste, ne vont pas encore une fois s’en prendre à ces populations.

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Je ne veux absolument pas faire dans l’ethnocentrisme ou le nombrilisme régionaliste grégaire, mais n’importe quel observateur du Mali se rendrait compte qu’il y’a erreur sur la marchandise:

-quand on regarde la liste des autorités intérimaires,  des touaregs et des arabes .

– quand on regarde la liste des leaders des groupes armés , des touaregs et des arabes

– quand on s’amuse à avoir une réunion avec les acteurs de la société civile , un mariage ou une petite marche de la société civile de Tombouctou, des bellahs, (excusez moi le mot mais je le préfère à touareg noir ) , des songays et des arabes

Mais les préoccupations de la populations semblent être le dernier souci du gouvernement malien qui a quitté son mutisme et son immobilisme dans le domaine de la recherche de la paix depuis la déconfiture militaire de mai 2014.  Ils veulent colmater une forme de paix, appliquer ce fichu accord pour la paix et la réconciliation, livrant les populations sur un plateau d’ or à un groupe armé ( la CMA) qui en veut à cette majorité d’être l’épine dans leur pied ( projet d’une république indépendante d’azawad ).

Je suis perplexe concernant cette gestion de la crise et la paix façon qu’ils font miroiter! Il est clair que ces hommes ont pris les armes pour avoir la seule chose qui continuait à échapper à leur groupe – je ne veux dire ethnie- : le pouvoir !

Ils sont prêts à tout pour l’obtenir ! Ils nous l’ont démontré en 2012. Ils nous ont mis dans une situation de non retour car désormais nous sommes tous sous la menace des pseudo-djihadistes et des bandits armés qui pillent sans vergogne les villages.

Demain , la circulaire du gouverneur de Tombouctou indique que la CMA, aura son petit à la tête de la grande région de Tombouctou avec les bénédictions de Bamako et de New York ( nations unies). Il pourra continuer à faire des voyages exprès à Bamako et à passer la journée à téléphoner , car je ne vois aucun cahier de charge à son actif. D’ailleurs comment pourrait-il en avoir, il n’a point été élu ! D’ailleurs même celui qu’il remplace n’en avait pas et à magnifiquement ignoré le PDSEC de la région, se contentant d’être une bonne imitation de notre président de la république, appliquant l’adage  » ma famille d’abord  » .

Les habitants de Tombouctou sortiront-ils demain pour clamer leur opposition à ces autorités imposées ? Je n’en suis pas très sûre ! Cest une population qui aime rester dans sa zone de confort, prônant le pacifisme à l’excès ! Ce pacifisme les mènera sûrement à leur perte!

J’ai dit!

 

 

 

 

 

Je suis malienne et je chique du tabac #4

Ma série sur la femme malienne continue et de belle manière après le lycée des filles de Tombouctou  (cette ville m’obsède on dirait, mais le retour n’est pas loin) Bamako, le mariage secret de Tombouctou  (en commun avec d’autres mondoblogueuses- cette fois-ci je ne me trompe point sur la ville- et la recette magique du poulet aux plumes, l’épisode 4 porte sur une bien étrange pratique que j’ai découverte à Gao.

credit photo: Faty

Crédit photo : Faty

Non je ne devrais pas dire que je le découvre à Gao, car cette manière de chiquer le tabac chez les femmes existe à Tombouctou aussi, seulement ce sont des vieilles dames qui le font là-bas. Et elle ne demeure pas l’apanage des femmes seulement, certains vieillards le font aussi.

Mais à Gao, je découvre une voisine d’une trentaine d’années qui est pratiquement tabac-dépendante. Elle l’assaisonne avec de la cendre de tige de mil brulée. Plutôt pas cher, comparé à la cigarette, le tas de 200 F Cfa qu’elle achète par jour lui suffit largement. Elle en donne même parfois une pincée à la voisine d’en face, légèrement plus âgée. Vous êtes loin de réaliser mon étonnement, pendant que les autres échangent du beurre de karité ou du cola, elles sont toujours en train de se demander du tabac ou les cendres, qu’elles achètent aussi, soit dit en passant- je parle de la cendre-

C’est maintenant que je me rends compte de la justesse de la conclusion de mon mémoire de fin d’études sur la toxicomanie au tabac en psychologie. J’ai vu seulement la dépendance à la cigarette alors que le titre était la toxicomanie au tabac. Seulement les prostituées et certains cas de déviantes sociales (les acculturées et les Maliennes nées et élevées à l’étranger) s’y adonnent affirmais-je sur l’état des lieux de la consommation de cigarettes chez les femmes au Mali. Je n’ai point vu cet aspect. Si tabac =tabac, je devrais notamment parler de cette pratique. Dans cette zone -qui n’a pas de nom malgré le désir de groupuscules d’y créer un état de toutes pièces allant de Douentza à Kidal, les femmes chiquent dès le bas âge. C’est presque du ressort de la tradition.

L’ampleur de cette pratique dans la ville de Gao m’a  beaucoup surprise.  Le tabac a sa petite place dans le panier de la ménagère au marché. Ici les consommatrices commencent à la trentaine. Mais j’appris que plus on remonte vers Kidal, dans les tribus (ici on utilise aussi le terme de fraction, mais je ne l’affectionne pas beaucoup) touarègues, on chique de plus en plus jeune.

Lorsque vous remontez vers la région de Tombouctou, des zones comme Bamba, Bourem, Téméra, la pratique est également courante.

Fadimata me raconta son histoire en chiquant son tabac. Je prends quelques photos pour illustrer mon article.

Je l’observe, discute beaucoup avec elle, pour connaître le fond de cette dépendance. J’observe également autour de moi, au marché les femmes sont la clientèle de choix pour les vendeurs de tabac que je trouve bien nombreux.  J’interroge ma voisine qui a une boule de tabac en permanence au coin de la joue. Comment est-ce arrivé ? Pourquoi une telle dépendance ?

« C’est ma grande sœur qui m’a appris à chiquer. Je n’avais même pas sept ans. Elle avait déjà une dizaine d’années et les parents lui donnaient sa dose après le repas. Elle m’amenait dans un coin et me donnait un petit bout que je mettais dans ma joue. Je m’essuyais la bouche pour venir m’assoir comme si de rien n’était. »

« A 12 ans j’étais complètement accro et quand j’allais faire un séjour chez ma sœur, je faisais le tour du voisinage pour demander du tabac à son nom, car ce qu’elle me donnait ne me suffisait plus. »

Mon père était un grand chiqueur, il cultivait uniquement du mil pour en obtenir la cendre de la tige brulée qu’il mélange au tabac pour le chiquer. En dehors de cette cendre, d’autres utilisent de la soude minérale ou la cendre de la combustion du bois.

« Mon père chiquait beaucoup », me dit –elle, « mais je crois que je l’ai dépassé. Quand je n’avais plus de tabac, je me mettais à la porte et halait les passants en les suppliant de me donner du tabac. Cela ne lui plaisait pas et il est parti voir un marabout pour qu’il fasse quelque chose à une boule de tabac que j’ai chiquée. Rien.  J’ai continué à chiquer de plus belle. J’ai eu peur quand les moudjahidines ont envahi Gao. On disait que le tabac était interdit comme la cigarette. Je me suis demandé ce que j’allais devenir, car je sais que je ne pouvais pas vivre sans. Mais heureusement ce n’était pas possible pour eux de rentrer jusque dans les maisons pour nous contrôler. »

–         Mais ils ont frappé des gens ici à Gao pour avoir fumé ou même écouté de la musique dans des lieux publics ? Lui demandais-je  contente d’avoir un témoignage concernant ces faux prêcheurs de la parole d’Allah.

–         Certains disent qu’ils ont même tâté la bouche de certains au marché pour en faire sortir la boule de tabac. Mais je n’y ai pas assisté. Mais quand même beaucoup de jeunes se sont fait frapper par les moudjahidines pour avoir écouté de la musique, fumé ou bu de l’alcool. Mais cela ne les a pas empêchés de résister et de continuer à le faire. Les jeunes de Gao se sont montrés très courageux pendant cette occupation. Ils ont failli rendre les moudjahidines fous, tu sais !

–         Tu trouves que c’est une bonne chose que fumer, de boire de l’alcool ou de chiquer ?

–         Non, mais c’est une peine que Dieu nous a imposée dit-elle. Seul Dieu peut nous en soulager.

–         Mais les moudjahidines ont interdit tout cela parce que Dieu ne l’aimait pas non ?

–         Oui, mais c’est Dieu qui fait certaines choses aussi à sa créature.

–         Penses-tu pouvoir arrêter ?

–         Si Dieu me le permet oui, sinon, je crois que c’est difficile pour moi. Quand je n’ai pas de tabac, je deviens comme folle. J’en ai en permanence dans la bouche. Même la nuit.

Elle a répondu à mes questions le sourire aux lèvres.  C’est elle qui me parla des différentes variétés de tabac qui sont consommées à Gao.

Il y a trois types de tabac : celui que Fadimata chique  s’appelle tounouss, il a l’avantage de ne pas sentir.

C’est le tabac des « Sourgouboraye», les Touaregs. Il y a également parmi les types de tabac « le soma », qui est cultivé dans la zone d’Ayorou (région du Niger qui est frontalière avec le Mali. Elle est peuplée aussi par des Songhoïs).

credit photo: Faty

Crédit photo : Faty

Le tabac de Bamba, comme son nom l’indique est récolté dans la zone de Bamba, à 150 km de Gao. Il dégage une forte odeur, mais est préféré par certains chiqueurs- je ne veux pas dire chiqueuses, car je ne sais pas si le mot possède une autre signification-